: Roman. Vladimir
Nabokov
Mademoiselle O
Par Hélène PERRAUDEAU
vendredi 11 mars 2005
Mademoiselle O, c'est un monde perdu. Celui, anéanti, de la Russie
d'avant la révolution mais surtout celui, enfoui, de l'enfance. Mademoiselle O
fit partie à la fin du XIXe siècle de «cet énorme afflux d'institutrices
anonymes», qui, d'Angleterre, d'Allemagne ou de France vinrent enseigner
leur langue natale aux enfants des familles bourgeoises russes. En faisant
revivre la silhouette cocasse et difforme d'une Française exilée, Nabokov force
les portes du passé pour y découvrir que «le monde que nous ouvre notre
mémoire est admirable par ce qui s'en dégage de parfaitement pur et sain» :
les couleurs, les bruits, les odeurs. Mais aussi les mains de mademoiselle O,
ces mains «qui voltigent constamment au niveau de notre enfance, descendant
des nuages supérieurs où demeurent les visages». L'écrivain, en quête de
vérité, tente de ressaisir le monde qu'enfant, il percevait. Avec une tendresse
proche de celle de Proust pour ses personnages, Nabokov dresse le portrait
inoubliable de celle qui fut bien plus qu'une simple institutrice : «Je
m'imagine le paradis comme un livre interminable qu'elle lirait sans se lasser à
la lumière d'une bougie éternelle.»
Mademoiselle
O
10/18 Traduit de l'américain par Yvonne et Maurice Couturier, 240 pp., 7,30
€.
http://www.liberation.fr/page.php?Article=281604